Réunion
du COLIDRE du 20 mars 2003
Sujet :
l’évolution de FT depuis la mise en bourse
Intervenant : Jean-Claude Desrayaud, membre du CA FT, élu parrainé par la CFDT
Présentation de JCD
-
Cf. CV envoyé :
carrière FT, responsabilités à la CFDT et élu CA FT
Angle d’intervention : ma représentation, ma lecture des évolutions
de FT à partir de mon parcours professionnel et syndical ; 35 ans
d’évolution avec trois grandes périodes économiques et sociales,
managériales, syndicales : de 1970
à 1985, de 1985 à 1995 et de 1995 à aujourd’hui, en sachant qu’une nouvelle
phase est ouverte de6 mois. Un retour sur 3 périodes m’apparaît nécessaire pour
comprendre le présent et anticiper l’avenir.
De 1970 à 1985 : FT une
administration avec un monopole insérée dans le capitalisme industriel national
FT administration PTT, un service public en monopole total, une seule
ligne de produit, humilié par le 22 à Asnières, va être autorisée à
investir : Delta LP
FT une entreprise de production dirigée par des Ingénieurs (X Télécom)
; elle va moderniser son outil de production et celui des entreprises, va
préparer l’ère de la communication
Des innovations Minitel, Transpac grâce aux travaux du CNET
Une division du travail, social et syndical : les ingénieurs, les
lignards, les techniciens, les administratifs. La CGT aux lignes, la CFDT et la
FNT chez les techniciens et FO parmi les administratifs.
Une relation Ingénieurs/CGT à l’image du capitalisme de production dans
les entreprises où le PCF est fort : compromis sur les primes et les
moyens de la CGT, rarement sur le structurel
CFDT sur les métiers (TINT), sur le structurel et les conditions de
travail
Des négociations Avenue de Ségur et au Ministère des finances. Un
conflit lourd en novembre 1974 et un conflit long sur les TINT.
Des recrutements externes de cadres les INSTI
Un management par la procédure, centralisé, aux mains des ingénieurs
est en place
Le début d’une politique commerciale avec les ACTEL
C’est une période assez stable, rassurante, qui rend les acteurs FT
fiers de leurs réussites et de leurs métiers. FT a réussi avec les techniciens
(sens large) le pari de la modernisation.. Un culture technique et sociétale
(service public qui réussit) se construit. CFDT porteur d’une volonté de
changements structurels
De 1985 à 1995 : FT
entre dans l’économie de marché, le commercial et les services. FT devient une
entreprise « presque comme les autres » et s’inscrit dans une
stratégie d’alliance
Après les lourds investissements, FT est endettée, se lance dans le commercial,
le chiffre d’affaires, la relation et la segmentation clients, les services
Le livre vert Télécom en 1985 ; FT (administration PTT) va perdre
la réglementation et son monopole et regarde ce qui se passe aux USA et en GB
et en Europe. On va passer de l’usager au client, du service public au service
universel
La CFDT travaille avec FT sur le livre vert, la concurrence, les
changements technologiques
Et lance son projet économique et social en 1988 : 30 ans ça
suffit : autonomie de gestion, titre V et réforme des classifications.
CGT (Maryse Dumas) et FO (Jacques
Marçot) sont contre une sortie du
statut fonction publique (titre II) et la fin du monopole
Deux étapes de changements économiques et sociaux majeurs : 1990
la réforme des PTT (EPIC FT sans capital social, Conseil d’Administration,
Classifications, loi de réglementation) et fin1996 création de FTSA (état reste majoritaire), seconde loi
de réglementation, mise en bourse en 1997 et 1998. Ces changements se déroulent
sans grands conflits sociaux hormis en octobre 1993
La concurrence est ouverte en 1983 sur les mobiles, en 1998 puis 2000
sur le fixe, dès sa commercialisation sur l’Internet
FT met en avant le modèle BT, mais rentre dans une stratégie d’alliance
avec DT
C’est la période de restructuration interne (EO2), puis de
redéploiement du personnel technique ou de support vers le commercial
La réforme des classifications, arrachée par la CFDT au Ministre Quilès
contre la vision de certains dirigeants de FT, sera pour le moins mal gérée par
les managers, amènera une déception sociale et se retournera contre la CFDT
(élections CA 1990 CFDT 30% - élections CAP en 1995, CFDT chute de 10 points)
FT va montrer une faiblesse, qui va devenir récurrente, dans le
management des changements comme dans celui des relations sociales. FT a t’elle
eu un jour une véritable stratégie de relations sociales (analyse des
stratégies, des revendications et des acteurs syndicaux, choix des
interlocuteurs, …) ?
SUD se crée en 1988/1989 sur une base politique d’extrême gauche, de
militants PTT sanctionnés par la CFDT. Ce syndicat va cristalliser les
mécontents et surfer dans un 1er temps sur ces mécontentements FT
pour migrer vers le front des « anti-tout » et la lutte contre la
mondialisation.
La CGT va, vers la fin de la décennie, ne plus savoir ou elle habite
(comme le PCF)
Les salariés ont deux fers au feu : les syndicats réformistes pour
négocier et les révolutionnaires pour contester. Dans la vie opérationnelle et
sociale, ils comptent sur les réformistes, dans la vie revendicative et
politique (élections par ex.) ils s’appuient sur CGT et SUD.
A partir du milieu de la décennie 90, la demande de changement change
de mains, de certains syndicats vers l’entreprise, le patronat (MEDEF), le
monde financier
Le management reste sensiblement le même, les chefs d’établissement
(CPE, CCL, ACTEL) et les INSTI prennent du poids
C’est une période instable, de changements structurels et opérationnels
lourds, ou la culture précédente est bousculée, mais ou les acteurs montrent
une forte capacité à s’adapter. FT réussit son entrée dans la concurrence.
CFDT acteur engagé de changements de 1985 à 1995, puis en retrait. Les
salariés ont deux fers au feu.
A partir de 1995, l’entreprise et le patronat sont les seuls porteurs
du changement, les syndicats freinent
De 1995 à aujourd’hui :
FT acteur de la mondialisation et dans une stratégie de croissance externe et
le capitalisme financier (avec deux sous-périodes : 1995 à 1998 ; de
1998 à 2003)
Les changements s’accélèrent : structurels avec la SA et la mise
en bourse en 1997 et 1998, technologiques avec le tout numérique, les NTIC, les
mobiles, Internet, les data dans les entreprises, économiques avec le
développement de la concurrence sur toute l’activité et tous les segments de
clientèles et sociaux avec les redéploiements, les 35 h, le vieillissement des
salariés, le blocage des relations sociales
Les salariés vivent durement les changements et évolutions culturelles
La stratégie d’alliance s’écroule avec le choix de Ron Sommer de se
tourner vers Telecom Italia. FT oriente fin 1995 sa stratégie vers la
croissance interne (delta minutes) et externe (acquisitions et créations en
Europe et dans le monde) sur 4 métiers fixe, mobiles, Internet et service aux
entreprises. Mais elle mettra plusieurs mois à se mettre en place. Ainsi M. Bon
est caractérisé par les médias de nain (stratège sans résultat), puis de héros
applaudissements pour Orange, Wanadoo et en fin de « mauvais ».
Le développement de cette stratégie est approuvée au CA par
l’administrateur CFDT et la CFDT Télécom car cohérente avec les enjeux
concurrentiels du secteur et préserve l’emploi global. Ce choix sera validé par
les résultats opérationnels des années 98 à 2002. Le personnel approuve
largement cette stratégie, malgré l’opposition ferme de CGT et SUD qui
représentent entre 55 et 60% des voix aux élections internes
Le radio téléphone explose avec le GSM pour devenir le mobile, qui
dépasse le fixe en terme de lignes en 2001 et de CA en 2003.
La stratégie se concrétise à partir de 1998 avec les acquisitions NTL,
Mobilcom, Orange, Equant, Wanadoo, … et les créations Mobistar, Uni 2,Wind, …
France Télécom est un acteur de la mondialisation par ses services aux grandes
entreprises et sa stratégie. Elle entre dans le capitalisme financier par
l’accès à la bourse et ses acquisitions. L’élu CFDT exprime ses réserves sur
l’acquisition de NTL et sur le volet financier de Mobilcom, approuve les
acquisitions d’Orange et d’Equant. Ce positionnement sur NTL et Mobilcom sera
malheureusement confirmé par la suite.
CGT et SUD campent sur un positionnement contre tout.
Ces acquisitions se font en cash à la demande des vendeurs (ex. de
Vodafone pour Orange) et du fait de la situation statutaire de FT
Le management se décentralise (pyramide inversée, pouvoir à la 1ère
ligne, intéressement local, PVV, BV) et change de mains (culture grande
distribution, énarques, financier)
L’ouverture du capital devient un enjeu politique en 1997
(Juppé/Jospin) puis se met en place et rencontre un succès politique et social
(3 millions d’actionnaires, 90% des salariés sur les 4 opérations). L’état
s’engage dans la stratégie industrielle de FT
Le monde économique, financier et médiatique lancent une nouvelle
« poule aux œufs d’or » Internet et les NTIC. D’eldorado sans
fondements économiques, Internet devient une bulle qui explose et détruit des
milliers d’entreprises et d’emploi. Les errements du capitalisme financier
apparaissent au grand jour
L’endettement s’accentue devant la chute boursière, les cessions
n’étant plus productives
La crise de liquidité apparaît en juin 2002 avec la dégradation de la
note de FT, puis devient une crise tout court. L’image de FT s’écroule
Le personnel engagé dans la stratégie est perturbé puis dépité. Même certains
militants CFDT doutent du positionnement de leurs élus et responsables.
FT développe une nouvelle stratégie de croissance avec le soutien de
l’état. Tous deux sont acteurs volontaires du changement, de la mondialisation,
puis victime des errements du capitalisme. La concurrence bat son plein. FT se
décentralise mais s’engluent dans la dette. Les syndicats essaient sans succès
de freiner les changements. Les faiblesses sociales de FT demeurent.
Octobre 2002 mars
2003 : FT face à ses problématiques financières, se re-centralise, essaie
de négocier le management du changement. Le début d’une nouvelle phase dans
l’histoire de FT
FT a retrouvé la confiance des investisseurs après la présentation
d’Ambition FT 2005 et du Programme TOP
FT est pilotée par les financiers depuis le siège, par des consultants
sur l’opérationnel
Comme dans la gestion précédente, de nouveaux dirigeants arrivent dans
le sillage du PDG. Pourquoi les dirigeants s’appuient-ils sur les modèles
économiques et sociaux des entreprises qu’ils dirigeaient auparavant
(Carrefour, Thomson) ?
Un nouveau type de management se met en place, celui de la pression
maximale et du centralisme (top/down). C’est une nouvelle fois un coup de
balancier qui perturbe fortement le corps social, en particulier le middle
management
L’unité syndicale se reconstitue, avec une grève forte en novembre 2002
Une nouvelle période de forts enjeux s’ouvre pour FT avec les
problématiques suivantes :
-
l’évolution du
contexte réglementaire et concurrentiel, avec le « paquet télécom »
qui viendra en discussion au parlement dans quelques semaines
-
l’évolution des parts
de marché
-
l’évolution des
technologies
-
l’augmentation du
capital
-
la réaction du corps
social (refus, désengagement ou mobilisation) sur le programme TOP
-
la gestion de l’emploi
dans le groupe (mère et filiales)
-
la négociation en
cours sur le management social du changement
-
le management des
cadres
-
la gestion politique
et sociale du désengagement de l’état dans la capital de FT
-
et toujours et encore
les relations sociales, en particulier les relations FT/CFDT/CGT/FO