Le lièvre et la tortue : ADSL et réseaux câblés

Le lièvre et la tortue ADSL et les réseaux câblés (ADSL, ADSL2 et ADSL2Plus, DOCSIS 1.1)

"ADSL 2 slow, 4 ever" disait-on l'an dernier. Et aujourd'hui, la presse technique déclare : "L'ADSL va plus vite, plus loin et fait encore mieux !" Quel est le miracle qui a donc touché cette technologie ? Et où en sont aujourd'hui les réseaux câblés qui devaient devancer l'ADSL ?.

Les références ADSL de l'UIT-T

Les normes de l'UIT des systèmes xDSL sont référencées dans la série des recommandations G.990, ce nombre à trois chiffres précisant la variante de la norme du système d'accès considéré. Quatre groupes de normes sont à distinguer :

· G.991 décrit les modèles et variantes de l'HDSL ;
· G.992 concerne la famille ADSL ;
· G.993 traite du VDSL ;
· Les normes G.994 à G.997 ont trait à des approches communes à l'ensemble des systèmes xDSL.

L'UIT-T maintient ces normes dans leurs différentes évolutions en débits et en portée, tout en veillant à garder la compatibilité entre elles des différentes versions déjà adoptées.

Le marché de l'ADSL

Sur le plan mondial, 36 millions d'abonnés disposaient d'une connexion ADSL à la fin de 2002, dont 8,2 millions aux Etats-Unis. Depuis la mise en place des premiers équipements ADSL, chacun des industriels et des exploitants de réseau a appris à ses dépends comment mettre en place les liaisons. Jusqu'ici, les services majeurs ont fait défaut, principalement à cause des insuffisances des normes et c'est pourquoi les nouvelles normes ADSL2, apparue en 2002 et ADSL2Plus, née en 2003, vont probablement changer le cours des choses.

L'apport de l'ADSL2

Comme pour les premières versions d'ADSL, ADSL2 utilise la bande de transmission supérieure à 25 kHz et le codage en DMT qui répartit les données montantes et descendantes place celles-ci sur les 250 porteurs espacés approximativement tous les 4 kHz, entre 25 kHz et 1,1 MHz. En ADSL2, le flux montant utilise la bande de fréquences comprise entre 25 et 138 kHz (26 porteurs) et le flux descendant vers l'abonné celle comprise entre 140 kHz et 1,1 MHz (224 porteurs). Les options de l'ADSL2 permettent le mode "tout numérique" qui fournit un canal additionnel à 256 kbit/s pour la bande vocale, et une extension à 1,1 MHz de la bande de fréquences transmises qui permet 256 porteuses DMT (31 pour le flux descendant et 225 pour le flux montant).

Chacun des canaux fournis par les fréquences porteuses délivre un flux de 4 000 symboles par seconde, chacun de ces symboles pouvant contenir entre 1 et 15 bits. A l'ouverture de la liaison (phase d'initialisation), une mesure de rapport signal sur bruit est effectuée par les porteuses sur la ligne d'abonné de façon à déterminer le nombre de bits par symbole que chacune de ces porteuses est en mesure de transporter. Le débit global se déduit de la somme des bits transportés par l'ensemble des fréquences porteuses, à quelques bits d'en-têtes près. La qualité de la ligne au moment de son utilisation détermine donc le débit maximum (RADSL, Rate Adaptation DSL) et l'ajustement au débit nécessaire est effectué de façon dynamique par l'ADSL2 à chaque instant (SRA, Seamless Rate Adaptation).

On peut facilement imaginer les difficultés présentées par une transmission en haute fréquence sur des lignes perturbées par des parasites ou des diaphonies (en aérien ou en souterrain) dans un réseau de distribution assez grand et pourvu d'autres systèmes de communication d'abonné. Deux systèmes de protection contre les erreurs sont donc utilisés en ADSL, le FEC (Forward Error Correction) et le codage Reed-Solomon. L'ADSL mentionnait ces possibilités, alors que l'ADSL2 rend cette association obligatoire, avec une possibilité de flexibilité de codage pour les lignes longues. D'autre part, l'ADSL2 permet de modifier le rang du canal porteur de l'information d'horloge, ce qui permet d'obtenir une réduction de 10 à 3 secondes du temps d'initialisation de la connexion. Enfin, l'en-tête de tramage n'est plus fixé à 32 kbits, comme en ADSL. Il a une taille ajustable comprise entre 4 et 32 kbits.

Globalement, l'ADSL2 est plus fiable. La mise en présence est de plus courte durée. Le débit est augmenté de 50 kbit/s et la portée est allongée de 200 mètres. Avec une bande de transmission de 1,1 MHz, le débit descendant est porté à 12 Mbit/s pour 1,5 km de portée. Des diagnostics normalisés sur le fonctionnement peuvent être recueillis, même si les équipements viennent de sources industrielles différentes, ou même si la ligne est impropre à l'exploitation à haut débit. Outre ces avantages techniques indéniables, l'intérêt de l'ADSL2 réside dans la capacité à porter l'ATM, à fonctionner en conséquence avec des multiplexeurs inverses en ATM (IMA, Inverse Multiplexing over ATM) à des débits variables et également en mode paquet Ethernet grâce à la sous couche de convergence PMT-CT. De sorte qu'avec l'ADSL2, IP est possible à volonté en natif et sur ATM ! Des débouchés de nouveaux services multimédias apparaissent, notamment avec les protocoles IP Multicast, PPP Tunneling, etc.

L'apport de 2003

Des annexes ont été ajoutées en 2003 à la recommandation G.992.5 pour figer un ensemble de propositions relatives à ce qui est appelé couramment ADSL2Plus. D'abord, la bande des fréquences transmises peut être élargie jusqu'à 2,2 MHz, ce qui porte le nombre de fréquences porteuses à 512. Les fréquences les plus élevées étant les plus affaiblies avec la distance, elles ne sont porteuses que de quelques bits lorsqu'elles sont mises en jeu. Les interférences et les diaphonies sont également mieux gérées, de sorte que cette nouvelle réalisation convient mieux aux lignes les plus longues (jusqu'à 6 km). Le débit descendant peut atteindre 24 Mbit/s sur un km de portée et une bande de transmission de 2,2 MHz. Les deux versions ADSL2 et ADSL2Plus sont interopérables avec les déploiements ADSL déjà effectués. La plupart de ces nouveautés proposées par le DSL Forum devraient être finalisées et adoptées en octobre 2003. Alcatel a réalisé une plateforme de réseau qui est capable de gérer 40 000 abonnés et de traiter simultanément le trafic résidentiel (vidéo et Internet), le trafic des PME/PMI, les services de réseau privé virtuel (VPN) et les interfaces Gigabit Ethernet des réseaux métropolitains.

Réseaux câblés et DOCSIS

Les réseaux câblés ont compris l'avantage d'utiliser une normalisation qui rend les systèmes compatibles et interconnectables. La norme DOCSIS (Data Over Cable Service Interface Specification) mis au point par CableLabs et un consortium d'industriels et d'exploitants a mis un terme aux difficultés d'association d'équipements. Elle a également fortement réduit les coûts des modems câble, des CMTS (équipements de terminaison des câbles) et des adaptateurs de postes de télévision (set-top box). L'accès conditionnel au réseau, l'alarme d'urgence, le guide électronique des programmes sont possibles grâce à l'emploi d'une signalisation interactive.

Plusieurs problèmes pratiques se posent. D'abord, il faut rédiger et mettre au point les plateformes de réseau DSG (DOCSIS Set-top Gateway) que chacun attend pour ouvrir de nouveaux services. Il faut aussi résoudre les questions de gestion des premiers équipements DOCSIS des premières versions mis en place sur les réseaux et de compatibilité avec la plus récente (DOCSIS 2.0 fera face plus tard aux versions 1.0 et 1.1). Il faut enfin définir quels services les réseaux câblés doivent offrir face à la montée de la concurrence présentée par les différentes familles de normes ADSL. Les services vocaux sont-ils réellement essentiels dans ce type de réseau ? Faut-il parier sur H.323 ou sur SIP pour gérer la compression vidéo ? DOCSIS 1.1, plus complexe que la version 1.0, présente l'avantage de permettre l'identification et la facturation de l'utilisateur grâce au DHCP et de gagner des parts de marché par des offres de services plus rémunérateurs. Mais il faut assurer la transition technologique !!

En bref, les réseaux câblés avaient été donnés gagnants dans la course qui les opposaient à l'ADSL, à cause de l'ouverture de ce marché aux exploitants de la concurrence. En réalité, le succès des services multimédias s'appuie également sur la disponibilité de protocoles normalisés cohérents et efficaces. L'importance prise aujourd'hui par les services multimédias, la TVHD et l'accès Internet dans les revenus des exploitants explique la précipitation de ceux-ci en faveur d'investissements ciblés. Et les industriels concernés ont bien reçu ce message !

Mise à jour du 30 juin 2003
Sources : UIT-T Commission 15 (www.itu.int), du DSL Forum (www.dslforum.org), EIH, et sites de divers constructeurs d'ADSL et de modems DOCSIS.