L'opérateur a maintenant les
moyens de reprendre l'offensive dans le domaine des nouveaux
services de télécommunications. Cette dynamique passe par une forme
de partenariat à long terme avec les SSII et les éditeurs de
logiciel.
Thierry
Breton, le président de France
Télécom, a laissé entrevoir des jours meilleurs aux
membres du Syntec pour leur dernière assemblée générale. Après avoir
brossé le tableau du plan de redressement de l'opérateur
téléphonique français, il leur a stipulé que le système
d'information serait au cœur des nouvelles offres de la société.
Les économies réalisées et la restructuration financière lui donnent
aujourd'hui des moyens pour investir à bon escient. Pour des
éditeurs de logiciel et des sociétés de services, un tel discours va
droit au cœur. Après tout, ils ont souffert non seulement du
retournement de conjoncture mais aussi de ce fameux plan de
redressement de France
Télécom, qui est souvent le premier client de plusieurs
membres du Syntec.
La révolution IP. La prophétie de Thierry
Breton est directement liée à la "transformation à 180 degrés" qu'il
a imposée aux diverses branches de la société. A son arrivée, il a
trouvé trois grands ensembles opérationnels : une direction de la
téléphonie fixe, une direction de la téléphonie mobile et une
direction de l'Internet. Ces strates, venues d'un autre temps, ne
pouvaient décemment pas servir les nouvelles attentes du client de
France
Télécom. Un client que Thierry Breton imagine chez lui,
au bureau ou mobile mais toujours connecté par divers moyens : ligne
téléphonique, ADSL, réseau de son entreprise, GPRS et bientôt UMTS.
D'où une refonte de l'organisation de France
Télécom pour relever les défis de ce monde connecté de
bout en bout où, bientôt, les foyers disposeront d'une connexion de
4 Mbits, permettant de télécharger des films tout en surfant et en
expédiant des courriers électroniques. En outre, une telle bande
passante permettra d'inventer des services qui n'existent pas
encore...
Le dégroupage et la déréglementation ont
certainement accéléré les choses. "Depuis plus d'un siècle, notre
modèle économique a fonctionné en vendant de la minute à l'unité de
voix sur des réseaux analogiques et numériques, souligne Thierry
Breton.
Dans les mois, semestres et années à venir, ce
modèle économique va être totalement remis en cause. Aujourd'hui, il
permet à France
Télécom de servir 50 millions de clients et de faire
travailler près de 230.000 salariés. Par ailleurs, l'avènement de
l'IP (Internet Protocol) va permettre d'offrir de multiples nouveaux
services et faire en sorte que progressivement, ou peut-être
brutalement, l'élément de mesure et de quantification de la
valorisation de notre activité va lui aussi être totalement remis en
cause. La voix deviendra peut-être à terme un élément
marginal."
Un réseau sans couture. Du coup, le système
d'information et le réseau vont progressivement devenir la même
chose "puisque nos clients veulent retrouver la portabilité des
usages qui fondent leur environnement". Les réseaux devront donc
incorporer des éléments qui garderont en mémoire les usages des
clients et qui seront capables de les restituer quels que soient les
débits disponibles. Les technologies concernées ? L'accessibilité,
la gestion de présence, l'identification, les moyens de paiements,
les listes de contact, avec, comme trame de fond, un réseau sans
couture. Le passage à un réseau tout IP est "un changement aussi
important que ce qu'on a vécu avec le minitel, avec l'informatique.
Le monde des télécoms est peut-être le dernier à être violemment
touché". Or, évoquer un réseau IP revient à souligner l'importance
des programmes informatiques et de leur mise en œuvre pour imaginer
de nouveaux services.
Embaucher 300 chercheurs. Dans cette
optique, Thierry Breton affirme que France
Télécom veut retrouver une place de leadership. Aussi
va-t-il embaucher 300 jeunes chercheurs cette année, mais il n'en
reste pas là. "Nous avons un rôle à jouer pour nos salariés, nos
actionnaires et nos clients mais aussi pour le secteur (des
technologies de l'information) qui fait partie de nos partenaires au
sens large. Il faut avoir en France des entreprises fortes et
solides. Le fait d'avoir des grandes entreprises partenaires permet
aux éditeurs de logiciel d'avoir de la visibilité, de développer des
solutions qui pourront être industrialisées."
Et la
concurrence ? "J'ai beaucoup de respect et même de l'amitié pour
certains de nos concurrents en France mais nos grands concurrents
sont clairement les grands opérateurs européens et internationaux
ainsi que de grandes entreprises comme Microsoft, Yahoo
et peut-être un jour Google, assure Thierry Breton.
Plutôt que de le vivre comme une crainte, c'est une opportunité dans
la mesure où nous savons anticiper."
Pascal Boulard