Le Pecq avril 2003
C'est du côté du début des années 70 qu'il faut regarder pour connaître la genèse de ce système. Vers cette époque, en effet, ont été engagées les études d'un nouveau système de transmission à 12MHz, destiné à équiper les paires coaxiales 1,2/4,4, avec les nouveautés très importantes : équiper des liaisons nationales directes, sans démodulation, entre les points terminaux, donc en pleine campagne et en ligne droite, de 500 kilomètres de long, avec des sections d'amplification allant jusqu'à 100 kilomètres. L'égalisation et la surveillance de la liaison ne devaient pas poser de problèmes, de même que la téléalimentation à réaliser le plus simplement possible, sans prévoir d'entraide, puisque cette technique était considérée comme non noble et très fiable. Que de paris !
Les délais d'études imposés par les besoins de l'exploitation étant très courts, et l'optimiste des techniciens chargés de l'étude, CNET et constructeur, très grand, au lieu de ce qui doit normalement se faire, c'est-à-dire une liaison expérimentale réellement représentative des futures liaisons exploitées à la fois en dimensions (section d'amplification) et dans le temps (période couvrant les variations saisonnières), il n'a été réalisé qu'une courte liaison de quelques points d'amplification, les PAX, équipés, de plus, de pots et non de cuves (invention permettant des échanges thermiques meilleurs, les amplificateurs ayant tous 2 faces en contact avec la paroi) alors que ces dernières allaient être commandées en quantités pour équiper les nombreuses liaisons à mettre en service. Quel optimiste des techniciens d'études et de la hiérarchie (étude et exploitation).
Heureusement, cette courte liaison expérimentale apporta cependant des informations, en effet, dès les premières mises sous tension, par suite d'incidents divers, la presque totalité de ses amplificateurs se sont trouvés hors service, d'où la nécessité évidente, même pour un profane, de protéger les organes de lignes contre les surtensions et les court-circuits. Cela a évité de recommencer les erreurs faites sur les amplificateurs des liaisons à 12MHz sur paire coaxiale 2,6/9,5 qui avaient conduit à les renvoyer en usine pour les munir d'un dispositif de protection qui, surajouté, ne pouvait qu'être que plus ou moins adapté. S'il a pu ainsi protéger les amplificateurs pratiquement dès la conception du système, le dispositif adopté n'a pu être testé dans tous les cas possibles de figure. Encore un pari !
Les amplificateurs, solides, sont de nouveau mis en place sur la liaison expérimentale, mais le temps court... Il apparaît alors à la mise sous tension des amorçages, dus aux diodes de protection, et que le système n'est plus exploitable. Mais il faut alors faire vite car on est au début de l'année 1973 et les premières mises en service sont prévues pour juillet 1973 ! Bien entendu, une solution fut trouvée, mais en fin de compte, il n'a été testé sur cette liaison qui n'a donc eu expérimental que de nom, ni les amplificateurs, ni leur contenant, les cuves, ni la téléalimentation. Cette liaison ne peut donc être qualifiée que d'étude ou de dégrossissage.
Les premières liaisons furent cependant livrées en temps voulu et peu d'incidents apparurent, elles étaient en fait très courtes. Ce qui explique la relative quiétude de l'été 1973. En novembre de cette année, sur la liaison Châlons-Reims : les égaliseurs systèmatiques chargés de faire disparaître les irrégularités de gain des amplificateurs laissaient apparaître une bosse considérable, dont le maximum étaient à 4,5MHz. Cette anomalie, à la limite tolérable vu la faible longueur de la liaison, aurait crevé tous les plafonds admissibles dans le cas d'un tronçon de 100 kilomètres, tronçon qui, je le rappelle, était prévu dans les données de départ de l'étude.
Le constructeur, pas plus étonné que cela de ce fait, l'a attribué, à juste raison, au fait que les câbles n'étaient pas semblables et que leurs caractéristiques dépendaient de leur origine : il s'agit là encore d'une légèreté des services techniques due, mais cela est-il une excuse ?, à la brièveté des délais imposés pour la réalisation de la liaison Paris-Lyon.
La solution " normale " a été de faire en sorte que les câbles aient tous des caractéristiques suffisamment proches quelle que soit leur origine, c'est ce qu'a étudié la Sous-Commission Lignes de SOTELEC qui a proposé de retenir pour le conducteur central de la paire coaxiale 1,2/4,4 l'utilisation de cuivre issu d'une coulée continu et de le raser (enlever une pellicule de métal à la périphérie du conducteur pour éliminer les impuretés surfaciques), ce qui a été officiellement retenu. Mais cette solution, bonne, ne pouvait être mise en uvre avant 1977, alors que le câble Paris-Lyon était en cours de pose. Pour cette liaison, de grande importance, il a donc fallu bricoler : placer des égaliseurs systématiques spéciaux chargés d'écraser périodiquement cette malencontreuse bosse, connus sous la dénomination " plaquette en il " ou " égaliseur 4MHz ". Ouf !
Ouf! Temporaire, car d'autres problèmes n'ont pas tardé à surgir.
Le premier : la téléalimentation.
La longueur des sections d'amplification prévues (jusqu'à 100 kilomètres), l'optimisme des services techniques (et, peut-être, le changement de responsable de l'énergie dans les services d'études) et les contraintes économiques, bien que celles-ci n'auraient pas dû être considérées seulement à la mise en uvre, mais au cours de la vie des liaisons, ont conduit à innover : au lieu d'utiliser l'énergie à haute sécurité, issu du secteur EDF, redressé, une batterie en floating et un onduleur pour alimenter la téléalimentation, il a été décidé de se passer de l'onduleur, considérant qu'une batterie ne tombait jamais en panne et que la fiabilité ainsi obtenue était totale. Mais la réalisation !...L'économie prenant le dessus, les bacs des batteries ne furent pas à la hauteur de la qualité espérée, car ils présentaient de nombreuses fuites à colmater bien que vaille par du scotch et leur nombre rendait l'opération de remise à niveau, qui devait avoir lieu très souvent vu les fuites, presque digne d'un travail d'Hercule (700 bouchons à dévisser et à revisser et autant de niveau à égaliser ! ).
Malheureusement, comme les premières liaisons étaient de courtes distances, cette première difficulté n'apparu que plus tard, ce qui confirma l'optimisme des services techniques qui régna jusqu'aux premières liaisons longues.
De plus, de nombreux incidents divers agrémentèrent la période fin 1973-début 1974 et eurent comme conséquences qu'il n'a pu être mis sous tension une liaison pendant une période d'une certaine longueur : de nombreuses disjonctions apparaissaient entraînant un feu d'artifice de lampes rouges sur le ^panneau de contrôle et la destruction de nombreux régulateurs. Petit à petit les parades nécessaires furent trouvées et mises en place, mais la décision la plus efficace et la plus sage fut de remplacer l'énergie en adoptant le principe évident des mutateurs. Mais les délais !... il a donc fallu vivre et mettre les liaisons en service avec les " bricolages " palliatifs.
Enfin, après les problèmes habituels (attente de matériel de mesure utilisé ailleurs, retard de la mise à disposition par le service des lignes,...), la date fatidique du 31 juillet 1974, date à laquelle 3 liaisons Paris-Lyon doivent être mises en service commercial. Optimisme total puisque les premières mesures de bruit globales effectuées en avril sur le premier tronçon s'étaient révélées satisfaisantes.
Mais, patatras ! Catastrophe ! Non seulement le premier tronçon s'avérait maintenant mauvais, contrairement aux mesures d'avril, mais le bruit ramené au kilomètre, ce qui est le critère de base, était d'autant plus élevé que la longueur de la liaison s'allongeait jusqu'à atteindre 5 à 6 pw/Km (le maximum admissible étant de 3) sur Paris-Lyon. Donc,
le deuxième : le bruit.
Il fallait se rendre à l'évidence : d'une part, les amplificateurs placés dans les cuves chauffaient plus que prévus en été, leur gain croissant au-delà de ce qui était nécessaire pour compenser l'augmentation d'affaiblissement du câble et, d'autre part, le bruit d'intermodulation d'ordre 3 s'avérait prépondérant.
Comme, optimisme déjà signalé maintes fois, il avait omis de faire le relevé de la température d'un amplificateur normalement alimenté dans une cuve, alors que les délais auraient largement permis de la faire dans la cuve expérimentale installée à Conflans Sainte Honorine (établissement de la société qui les mettait au point). Par ailleurs, les caractéristiques de l'amplificateur en fonction de la température n'avaient pas été déterminées ; en ce qui concerne l'intermodulation d'ordre 3, elle avait été omise en cours d'étude et de savants calculs du constructeur, corrigés par les services du CNET, ont confirmé les résultats expérimentaux. C'est heureux, mais il est bien évident que ces calculs auraient dû être faits bien plus tôt par le constructeur ou le CNET. Cependant il a fallu mettre en service les liaisons comme prévu, c'est donc l'exploitant qui a dû se " débrouiller " !
Et il a proposé 4 dispositions qui ont été prises, mais par la suite :
reprendre la grille des points d'amplification de telle sorte que la régulation du niveau des signaux soit aussi régulière que possible, en faisant que chaque amplificateur P (regulé à partir du niveau de la fréquence pilote) n'ait pas à corriger les défauts venant de plus d'amplificateurs T (régulé à partir de la température), ce qui a entraîné l'achat de quelques amplificateurs P supplémentaires,
placer des compléments de longueur (simulation d'une certaine longueur de câble par un circuit électrique) à mi-section entre 2 amplificateurs P pour repartir au mieux l'excès de gain,
faire en sorte que ces compléments de longueur soit suffisants pour ne se trouver jamais en excès de gain en saison moyenne et à faire ainsi fonctionner les amplificateurs P plutôt en négatif qu'en positif pour éviter l'excès de gain, source de l'intermodulation,
comme les courbes d'égalisation présentaient un excès de gain dans la plage des 4-5MHz, il va être utilisé plus largement les plaquettes " il " et, de plus, comme un excès de gain apparaissait aussi vers 9MHZ, il va être créé une plaquette " il " à 9MHz, afin de faire en sorte que la courbe de fréquence soit le plus près possible de la courbe nominale.
Mais les 3 liaisons Paris-Lyon ?
Il fallait bien les mettre en service quand même en affirmant solennellement qu'elles seraient reprises ultérieurement pour les améliorer!
Les amplificateurs fournis par le deuxième constructeur (la philosophie de l'organisation SOTELEC est d'avoir pour chaque matériel de diffusion importante un constructeur pilote, réalisant l'étude industrielle après que la faisabilité ait été prouvée ou acceptée par le CNET et un deuxième constructeur qui disposait du travail du premier) s'avéraient déficients : les couches minces de l'égaliseur d'entrée étaient susceptibles de sauter sous les prétextes les plus anodins (mise sous tension, disjonction,...). Autre déficience, mais organisationnelle : ce problème avait été mis en évidence par le service de contrôle du CNET lors de l'examen des amplificateurs têtes de série, mais comme les essais correspondants n'étaient pas prévus au cahier des charges, cela n'avait eu aucune conséquence et l'exploitant n'avait pas été averti. Il a fallu retourner tous les amplificateurs incriminés chez le constructeur pour remplacement des composants incriminés et en profiter pour améliorer un certain nombre de défauts mécaniques aussi apparus.
Et encore, les parafoudres !
Le défaut correspondant est apparu petit à petit. En effet, ce n'est que sur les sections de grande longueur, lorsque la tension de téléalimentation s'approche de 1400 volts (+ ou - 700 volts par rapport au point milieu) que se produisent des déclenchements intempestifs, d'où des perturbations sur les transmissions de données et, même, interruption de la liaison ou impossibilité de la mettre en service. Et ce phénomène pris de l'ampleur avec la multiplication du nombre de liaisons.
Les câbles 1,2/4,4 sont conçus avec tous les conducteurs extérieurs des paires au même potentiel, ensemble en principe isolé de la masse pour se protéger des perturbateurs extérieurs au câble. Donc l'éclatement d'un parafoudre d'une liaison porte tous ces conducteurs à la même forte tension, ce sont donc toutes les liaisons de l'artère qui risquent de présenter des défauts.
Il s'est avéré que les parafoudres utilisés, donnés par leur constructeur pour éclater à 800+10% fonctionnaient en fait entre 600 et plus de 1000 volts, donc il ne fallait pas s'étonner des claquages intempestifs rencontrés. Que faire ?
Sachant que la plage de fonctionnement des parafoudres ne pouvait être réduite :
augmenter la tension nominale : cette solution ne pouvait être retenue, car l'amplificateur ne résistait pas à une surcharge de plus de 1000 volts,
supprimer les parafoudres, ce que l'expérience acquise par les services de l'exploitation sur les liaisons précédentes (6MHz et à 12MHz sur paire 2,6/9,5) permettait de considérer comme valable, mais le premier constructeur ne l'entendait pas de cette oreille et ce ne fut accepté que de nombreux mois après.
Mais pendant ce temps de réflexion avant décision, de nombreux amplificateurs sont sortis des usines. Le retour en usine des amplificateurs équipés de parafoudre pour les modifier n'était pas possible, vu les besoins de l'exploitation et leur nombre et tout ce qui pu être fait l'a été d'équiper les premiers et les derniers PAX des liaisons longues d'amplificateurs sans parafoudres dès qu'ils apparurent. Ce n'était pas la solution miracle, mais cela limitait fortement les risques.
Quelques problèmes sur les PAX. :
erreurs dans la réalisation des cuves : premièrement, la fermeture n'était pas étanche et les amplificateurs risquaient ainsi de recevoir de la pluie et, deuxièmement, les boulons et les écrous de fixation du couvercle étaient initialement tous les 2 réalisés en acier inox, ce qui est une aberration métallurgique, si bien qu'en dévissant les écrous on avait de bonnes chances d'arracher le pas de vis des boulons ; tout cela a été corrigé, mais que de discussions...
l'implantation des cuves : celles-ci, en fonction de la grille des PAX, peuvent être installées dans des lieux difficiles d'accès, ce qui, très embêtant pour la mise en service, risque ultérieurement en exploitation de faire perdre pas mal de temps dans le cas d'une liaison interrompue et de retarder par-là son rétablissement ; mais, pour cela, si ce n'est de disposer d'un bon repérage des PAX en question, il ne peut être fait grand'chose.
Au cours de l'année 1975, un autre phénomène très inquiétant : des oscillations parasites sont apparues. Le diagnostic a été difficile à établir car il s'agissait en fait de 2 phénomènes qui se sont conjugués :
les amplificateurs détecteurs de pilote se sont révélés dans bien des cas de magnifiques oscillateurs, à des fréquences les plus diverses : la parade technique, simple (insérer une capacité), a été rapidement trouvée, mais la modification des quelques milliers d'amplificateurs en service était un vrai problème,
l'amplificateur principal lui-même est susceptible d'osciller, tout seul, au voisinage de 80-90MHz, mais aussi à 60MHz et à 150MHz ; ces fréquences parasites peuvent être la source de produit d'intermodulation à l'intérieur de la bande de transmission et, de toute façon, augmentent la charge des amplificateurs, donc leur bruit. La parade fut plus difficile à trouver et demanda de nombreuses études : ce fut un réglage sur des pointes d'épingle des amplificateurs ; mais cela sera-t'il durable... ?
Ces phénomènes étaient bien connus des spécialistes des services techniques, mais ce n'est qu'à l'apparition en service et en grand nombre que l'étude de leurs parades a été entreprise. Il était probablement inconsciemment espéré que cela ne poserait pas de problème et l'exploitant n'en avait donc pas été averti.
Bien entendu, l'exploitant n'était pas encore au bout de ses peines avec ce système, mais on peut considérer que le système à 12MHz sur paire 1,2/4,4mm est, à ce stade, né.
Il faut en tirer des conclusions :
Premièrement, remarquons que l'ensemble des services techniques est en cause car, voulant tenir les délais impératifs de l'exploitation, des impasses, dues aussi à l'optimiste qui semble être le fil rouge de l'étude, ont été faites :
sur les câbles d'abord pour lesquels les caractéristiques des fabrications d'un seul constructeur ont été retenues pour l'étude industrielle, alors que 3 constructeurs fabriquaient des câbles 1,2/4,4 susceptibles à court terme d'être équipés de ce système,
sur les cuves, matériels nouveaux, insuffisamment testées aussi bien mécaniquement qu'en température,
sur les amplificateurs eux-même, qui, théoriquement et à la limite à l'intérieur du cahier des charges techniques, fonctionnaient, sans que l'expérience de mise en service et de fonctionnement pendant un long laps de temps soit réalisée ; il faut ajouter que le matériel du deuxième constructeur a été relativement facilement accepté, ce qui est normal si l'étude industrielle du premier est tout à fait bien réalisée et terminée, ce qui n'était pas le cas,
sur la mise en uvre d'une téléalimentation inhabituelle, qu'il a fallu changer.
Il faudra bien se garder de refaire de telles erreurs : l'optimisme et la pression des délais sont à prohiber pour toute étude complexe.
Deuxièmement, note optimiste, tous les défauts rencontrés ont été une bonne expérience pour le constructeur des amplificateurs du système à 60MHz ultérieur, qui était le deuxième constructeur du présent système, ce qui a fait que la naissance de ce système n'a pas présenté de difficultés particulières.