Comité d'information et de
liaison des cadres
dirigeants
retraités de France Télécom

Groupe "Archives et Témoignages"


novembre 1999
diffusé le 25/3/00
Si vous voulez envoyer un message, à l'auteur
cliquez sur

Les canalisations en bois par
Guy Gerbier

Si (référence 4), en 1782, Lesage, savant d'origine française établi à Genève a décrit une canalisation possible (il ne semble pas qu'une réalisation ait suivi) : un tuyau de terre vernissé avec de toise en toise un diaphragme en verre ou en terre percé de 24 trous pour tenir espacé les conducteurs, (a priori non isolés), les premières canalisations furent réalisées en terre cuite, en métal (fonte, fer forgé galvanisé ou non, acier) et en bois . Ces dernières seules sont l'objet de ce texte.

A l'exposition de 1881 (référence 4), le Post Office anglais présenta un spécimen de la ligne souterraine étable en 1837 entre Easton et Camden : les fils solés par du coton et de la poix étaient placés dans des rainures creusées dans de longues pièces de bois rectangulaires, puis enfermés par des lattes clouées. Cette ligne, qui a été retrouvée au cours de la construction d'une ligne de chemin de fer, y est indiquée comme connue en Angleterre sous le nom de "télégraphe fossile".

En 1853 (même référence), toujours en Angleterre, des lignes furent établies par les principales compagnies de télégraphe entre Londres, Manchester et Liverpool : un faisceau de 10 fils isolés à la gutta, enveloppé de 2 couches de chanvre goudronné, était placé dans des rainures creusées dans des blocs de bois créosoté de 2 à 5 mètres de long, à section carrée, et recouvert par une latte clouée, donc technique identique ou très voisine de celle du "télégraphe fossile" ; l'ensemble était placé dans une tranchée de 60cm de profondeur ; à chaque pluie des problèmes apparaissaient dus aux détérioration de l'isolant au cours de la fabrication, aux joints non testés, à l'installation,...

En 1854 (référence 6), il a été enterré à Bruxelles entre les bureaux du Nord et du Sud, 6 fils de 1,7mm de diamètre isolés à la gutta (diamètre sur isolant 2mm). La profondeur était de 75cm et l'ensemble était protégé par des planchettes de bois creusées dans le sens de la longueur et recouvertes d'une peinture métallique. Cette installation a posé des problèmes : en 1859, sur certains fils coupés par la corrosion, l'isolant présentait des crevasses. Les planchettes, trop fragiles, ont alors été remplacés par des tubes en fonte, comme cela se faisait alors en Angleterre. Des essais de fils isolés à la gutta ayant été faits à Bruxelles et Anvers en 1862-63, il semble donc que le terme "alors" indiqué dans le texte de référence couvre une assez longue période.

Dans son Rapport sur les appareils électriques présentés à l'Exposition internationale de 1862 (référence 3), M.Fleeming Jenkin indique que les fils souterrains ont été pratiquement abandonnés en Grande-Bretagne car les isolants, gutta ou caoutchouc, se détériorent rapidement (il semble qu'il s'agissait de pose en pleine terre. Il décrit par ailleurs de véritables canalisations en bois : une encoche en V est réalisée par 2 traits de scie dans une pièce de bois, le couvercle le V ainsi retiré lui étant assujetti par du fil de fer ; l'intérieur, goudronné, reçoit les fils isolés ; la réunion de 2 pièces de bois successives est réalisée par une plaque de fer en V qui supporte les 2 extrémités à relier. Cette conduite semble de la même conception que celles décrites précédemment, surtout si l'on tient compte que le clouage avait entraîner des dommages aux câbles.

Dans le même rapport, il signale l'utilisation, dans une des 2 techniques utilisées en Hollande, de gouttières en bois créosoté remplies de brai liquide sur lequel, après refroidissement, sont placés les fils recouverts de gutta, un couvercle fermant le tout.

Toujours dans le même rapport, il cite l'utilisation en Allemagne, dans les tunnels, de gouttières en bois remplies de laine minérale (scories de hauts fourneaux) pour protéger les câbles de toute élévation de température.

En Amérique du Nord, des conduits en bois créosoté ont été employés à Brookling, Buffalo et Boston (référence 5), ce qui a conduit à remplacer le plomb pur des enveloppes par un alliage étain/plomb (3/97) recouvert de jute asphalté. Au cours d'une mission aux Etats-Unis (9 au 20 octobre 1972), MM. Briend, Lenoir et Person, alors ingénieurs en service à la Direction Régionale de Paris pour les 2 premiers, au Centre National d'Etudes des Télécommunications pour le 3ème, ont vu à New York une conduite en bois encore en exploitation et même assisté à une réparation de celle-ci avec le même matériau alors qu'existait une conduite en béton à côté.

En France, il semble que des canalisations en bois aient été utilisées, en effet, au cours de travaux à Bordeaux, des agents ont rencontré des éléments qui semblaient de cette nature. Bien qu'à ma connaissance il n'était certainement plus employé alors de tuyaux ou caniveaux en bois, en 1938, il était encore fait de la publicité (référence 7) pour les "Tuyaux Flamand" en bois de pin injectés au sulfate de cuivre, à la créosote ou goudronnés qui était annoncé comme "adopté" par les Postes et Télégraphes (il est inattendu à cette date de ne pas voir cité le téléphone), la Ville de Paris et les principales sociétés d'éclairage au Gaz et à l'Electricité de France et de l'Etranger. Comme le montre la figure, il s'agit de blocs de bois de section carré ou rectangulaire comportant 1 ou 2 alvéoles fermées par un couvercle à emboîtement.

Signalons aussi que le CCITT (référence 8) indique qu'il est utilisé, en particulier dans les zones rurales, des caniveaux en bois pratiquement toujours imprégné.

Références

1 - Annales télégraphiques de 1861 - Le télégraphe en Angleterre
2 - Annales télégraphiques de 1862 - Note sur la construction des lignes électriques en Hollande - Van Kerkwyk
3 - Annales télégraphiques de 1864 - Exposition universelle de 1862 - Rapport sur les appareils électriques - Fleming Jenkin
4 - Annales télégraphiques de 1883 - Rapport du jury international de l'exposition d'électricité de 1881
5 - Annales télégraphiques de 1890 - Sur l'état de la téléphonie en Amérique du Nord - Rapport de M.G.Werner, Conseiller des Postes à Berlin, lu à la Société électrotechnique de cette ville le 29 janvier 1890
6 - Les câbles télégraphiques et téléphoniques - Stille - traduit par Picault et Montriol
7 - Publicité "Tuyaux Flamand" - Onde électrique - juillet 1938
8 - Recommandations concernant la construction, l'installation et la protection des câbles de télécommunications dans les réseaux publics - UIT-CCITT mise à jour de 1977


Created: 25/03/00 Updated: 30/08/01