Atelier de Témoignage du 10 juillet 2002
à Pleumeur Bodou

LE DÉVELOPPEMENT DES TÉLÉCOMMUNICATIONS PAR SATELLITE
Les années 1960
Témoignage de Jean-Pierre HOUSSIN

Sommaire
1. Les Satellites et les Réseaux2. Les stations Terriennes3. La Réglementation internationale4. Les raisons du succès

Après le succès de la première transmission transatlantique de télévision du 11 juillet 1962 et des expérimentations avec le satellite TELSTAR puis d'autres satellites, il apparut clairement aux dirigeants des organismes de télécommunications tout l'intérêt de ce nouveau moyen de transmission pour les télécommunications internationales puis un peu plus tard pour les télécommunications régionales et nationales.

1. Les Satellites et les Réseaux

Dés août 1964 est créée l'organisation internationale des télécommunications spatiales INTELSAT par un accord qualifié de provisoire par 17 pays dont les États-Unis, la Grande Bretagne, l'Allemagne et la France avec pour objectif de créer un réseau mondial de télécommunications spatiales et de parvenir à une organisation qualifiée alors de définitive en 1970. L'objectif est de mettre en commun les moyens spatiaux (satellites, lancements, gestion des satellites) mais de laisser chaque pays responsable de ses stations terriennes. Les décisions sont prises par un comité directeur assisté de deux sous comités consultatifs l'un technique l'autre financier au prorata des parts d'investissement dans le système. Pendant longtemps les États-Unis d'Amérique ont été le principal investisseur et ont orienté les décisions. La France était le troisième investisseur derrière les États-Unis et le Royaume Uni. De plus, la COMSAT société américaine créée aux États-Unis en 1962 par le Satellite Act pour être responsable de la mise en œuvre et de l'exploitation des télécommunications spatiales a été désignée comme gérante de l'organisation. Au moment de l'accord provisoire, elle a déjà dans ses cartons un projet de satellite géostationnaire appelé EARLY BIRD qui deviendra après son lancement en avril 1965 le premier satellite de l'organisation INTELSAT 1 et sera mis en exploitation dés le milieu de l'année 1965 entre les États-Unis, la France, le Royaume Uni et un peu plus tard l'Allemagne avec 240 circuits téléphoniques augmentant ainsi considérablement les moyens de télécommunications entre les deux continents et fournissant aussi occasionnellement la transmission de quelques images de télévision.

Pendant la période provisoire, quatre générations de satellites ont vu le jour. Les 4 satellites INTELSAT 2 d'abord en 1967 avec un échec au lancement et une perte en orbite. Dés 1969, le réseau devient mondial avec les nouveaux satellites INTELSAT 3 au-dessus de l'Océan Pacifique et l'Océan indien en plus de l'Océan Atlantique et ceci malgré la perte de 3 satellites de cette génération sur 8, deux au lancement et un en orbite. Le nombre de stations terriennes dans différents pays croit rapidement et la série INELSAT 4 conçu en 1968 et mise en orbite à partir de 1971 engage véritablement l'accès multiple permettant des relations croisées entre les stations terriennes. Au moment du passage dans l'organisation définitive qui est négociée en 1971 et ratifiée en 1973 par 81 pays, le réseau comporte 79 stations terriennes installées dans 48 pays différents. A cette époque l'accent est mis sur les transmissions téléphoniques et la transmission télévisuelle n'a fait qu'une timide apparition avec les jeux olympiques de 1968 et quelques transmissions extrêmement brèves de quelques événements internationaux.
Lors de la négociation des accords INTELSAT, les États-Unis ont exigé l'obligation d'un système mondial unique géré par l'organisation et donc l'interdiction pour les pays membres de créer ou participer à un système international séparé. Les usages à des fins militaires sont exclus. Les systèmes régionaux ne sont autorisés par une décision du comité directeur que s'ils sont jugés chacun par celui-ci comme " ne portant pas un préjudice économique significatif à l'organisation INTELSAT ". Par contre, les systèmes nationaux sont autorisés sans restrictions, les États-Unis y voyant un grand intérêt pour leur pays compte tenu de ses dimensions.

Les décisions françaises dans l'organisation INTELSAT sont orientées selon deux objectifs : la création de compétences en matière de satellite et la participation de l'industrie française aux réalisations de satellites dans le cadre d'accords des industries compétentes avec des consortiums industriels dirigés par des entreprises américaines d'une part et le développement harmonieux et économique des télécommunications internationales et intercontinentales de la France d'autre part.

En France, l'impulsion donnée par Pierre MARZIN, Directeur du Centre National des Télécommunications (CNET) et par son adjoint technique René SUEUR ne faiblit pas : c'est d'abord la formation aux techniques spatiales de quelques ingénieurs du CNET par des ingénieurs de la société américaine TRW. Dans le même temps des rapprochements et des concertations avec le Centre National d'Études Spatiales (CNES) créé en France en 1962 sont organisées. C'est ainsi que des développements de composants et de sous-ensembles sont engagés dans un programme coordonné par le CNET et le CNES.

Dans ce contexte, et avec la certitude d'un développement rapide de ces moyens de communications, plusieurs projets ont été élaborés conjointement par le CNET et le CNES. Tout d'abord en septembre 1965 le projet SAFRAN, système régional français de télécommunications spatiales fournissant avec un satellite de période 12 heures solaires, de 180 Kg en orbite de transfert, mis en orbite par le lanceur en cours de développement EUROPA 1, 12 liaisons de 12 voies téléphoniques chacune avec des pays du Moyen Orient, d'Afrique francophone et des DOM d'Amérique. Ensuite le projet SAROS de juin 1966,système à satellite géostationnaire de 150 Kg essentiellement destiné à la distribution de télévision avec réception par des stations équipées d'antennes de 4 à 12 mètres de diamètre et le projet plus élaboré SAROS 2 d'octobre 1966.

A cette époque les Allemands avaient également conçu un projet de satellite géostationnaire de télévision destiné à la retransmission des jeux olympiques de MUNICH en 1972. Une concertation entre Français et Allemands s'est alors établie qui a abouti à la décision de lancer le programme franco-allemand SYMPHONIE signé en 1967. Ce satellite devait être lancé par le lanceur EUROPA 3 dont les déboires obligèrent à demander aux Américains d'en assurer le lancement. Ceci fut une raison, mais pas la seule, du retard du programme. Les lancements de ce satellite et de son secours n'ont eu lieu qu'en 1974 et 1975 par des lanceurs THOR DELTA mais à la condition que chacun des deux satellites SYMPHONIE ne soit utilisé qu'à des fins expérimentales. Néanmoins ce programme fut d'une grande importance et un grand succès qui permis plus tard la réalisation des satellites français TETECOM 1 et TELECOM 2, ces derniers étant encore en exploitation actuellement.

Parallèlement les Européens qui coordonnent leurs activités au sein de la Conférence Européenne des Postes et Télécommunications (CEPT) s'intéressent aux développements qui pourraient être fait en EUROPE. Dés les années 1966/1967 de premières études sur l'intérêt opérationnel et économique ont été entreprises mais c'est en avril 1970 que les ministres européens des PTT ont exprimé leur volonté de voir les membres de la CEPT continuer à coopérer activement et ont adopté une résolution exprimant le vœu " que toutes les administrations de la CEPT considèrent favorablement leur participation à un système européen de télécommunications par satellite si les solutions économiques ne sont pas, pour ce qui les concerne, disproportionnées par rapport aux réseaux terrestres ". La CEPT crée fin 1970 un groupe " Satellite Européen de Télécommunication "(SET) présidé par la France et un " Noyau Permanent " localisé au CNET à ISSY-LES-MOULINEAUX chargés des études correspondantes portant sur la période d'exploitation 1980-1990 et acheminant entre 1/3 et 1/2 du trafic téléphonique et de données à grande distance ( 800 Km) et la transmission de 2 programmes de télévision de l'Union Européenne de Radiotélévision (UER). Ces études ont débouché sur la mise en place de l'organisation Européenne de Télécommunication par Satellite EUTELSAT et la mise en orbite des premiers satellites EUTELSAT avec la participation de l'Agence Spatiale Européenne (ASE).

2. Les stations Terriennes

Si les premières transmissions et le début de l'exploitation des liaisons de télécommunications par satellite furent assurés à PLEUMEUR BODOU avec la station équipée d'une antenne cornet réflecteur sous radôme achetée aux États-Unis, le déploiement rapide de ces transmissions imposa très vite le développement de stations spécifiques françaises.

C'est ainsi que la station terrienne de PLEUMEUR BODOU 2 fut mise en service en 1969. De conception entièrement française, elle comportait une antenne de type Cassegrain sans radôme de 26m de diamètre pouvant résister à des vents d'environ 100 Km/h en exploitation et d'environ 170 Km/h hors exploitation c'est-à-dire dans une position de survie, et une cabine contenant les amplificateurs de réception à faible bruit. Tout cet ensemble était installé sur un bâtiment abritant les émetteurs et pouvait tourner autour de l'axe vertical, l'antenne elle-même tournant également autour d'un axe horizontal. Cette antenne était équipée de moteurs hydrauliques puissants lui permettant de suivre des satellites en orbite basse de période de révolution de 6 heures car à l'époque de sa conception il n'était pas acquis que tous les satellites utilisés seraient géostationnaires. Les amplificateurs de réception étaient des amplificateurs paramétriques refroidis.

Plusieurs développement eurent lieu ensuite, avec la station PLEUMEUR BODOU 3 de type carrousel équipée de deux cabines tournant avec l'antenne autour de l'axe vertical, l'une supérieure pour les amplificateurs de réception et l'autre inférieure pour les émetteurs. Cette antenne conçue spécialement pour les satellites géostationnaires comporte des moteurs électriques antiparasités. Ce modèle avec de légères variantes fut installé également en MARTINIQUE et en GUYANE et exporté dans de nombreux pays d'AFRIQUE. Un peu plus tard une amélioration décisive intervient avec la station PLEUMEUR BODOU 4 dont la source d'alimentation est pourvue d'un périscope ce qui a pour effet de laisser tous les équipements électroniques d'émission et de réception fixes au sol, tandis que l'antenne est orientable en azimut et en élévation.

Dans le cadre du programme SYMPHONIE, une station de plus petite dimension (diamètre d'antenne de 16,5 m) a été développée pour laquelle fut essayée une monture équatoriale au lieu de la classique monture permettant des mouvements en azimut et élévation, ceci cependant sans débouché ultérieur.

Par la suite, la puissance émise par les satellites augmentant, leur précision de pointage se faisant de plus en plus fine et la directivité de leurs antennes de plus en plus grande, les antennes de réception au sol deviendront de plus en plus petites jusqu'à celles que nous voyons aujourd'hui sur le toit de nos maisons pour la réception directe de télévision.

3. La Réglementation internationale

Les émissions des satellites se propageant très loin au-delà des frontières une réglementation internationale fut rapidement nécessaire.

Tout d'abord ce fut l'attribution de bandes de fréquence pour permettre la coexistence avec les systèmes existants et futurs. Une conférence mondiale dans le cadre de l'Union Internationale des Télécommunications eu lieu à cet effet à GENEVE en 1963. Les fréquences attribuées sont partagées avec les faisceaux hertziens qui sont directifs et dont les faisceaux sont dirigés le long du sol. Des règles de limitations de puissance spécialement en direction de l'orbite des satellites géostationnaires leur sont imposées et les satellites eux aussi doivent limiter leur émissions vers les zones où le satellite est vu sous un faible angle d'élévation. Des règles de compatibilité entre stations terriennes et stations de faisceaux hertziens partageant les même bandes de fréquence ont été établies. De nouvelles conférences en 1971 et en 1979 ont attribué de nouvelles bandes de fréquences aux systèmes à satellite et amélioré les règles de compatibilité et les procédures de coordination. Il fallait aussi établir des procédures et règles de compatibilité des systèmes à satellites entre eux, ceux-ci devenant de plus en plus nombreux. Ceci fut fait en 1971 et amélioré ensuite mais les principes de base restent encore en vigueur aujourd'hui.

4. Les raisons du succès

Le développement rapide des télécommunications par satellite à partir des années 1960 avec l'avènement des satellites géostationnaires, tient à quelques caractéristiques spécifiques qui leur sont propres et qui ont été identifiées très tôt :

Il est curieux de constater que la première expérimentation avec un satellite actif fut la transmission en direct au-dessus de l'atlantique d'une image de télévision puis que cet usage fut long à s'imposer, les satellites des années 1960 étant essentiellement prévus et utilisés pour des communications téléphoniques. Aujourd'hui, les progrès considérables des câbles sous-marins avec l'usage de fibres optiques très performantes et le multiplexage en longueur d'onde permet de répondre aux besoins croissants de transmission de la parole et des données à travers le monde et les satellites handicapés par la limitation des ressources en matière de fréquence et de positions orbitales géostationnaires ont conduit ces derniers à trouver leur usage le plus important dans la distribution et la diffusion de la télévision avec un souffle nouveau grâce à la numérisation des images animées qui permet de multiplier par 8 ou 10 le nombre de programme transmis là où encore jusqu'au milieu des années 1990 un seul programme pouvait être transmis, ce qui a ainsi diminué considérablement les coûts.

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