Que veut-on dire quand on parle de technologie, nouvelle ou pas ?

      On entendra par technologie l'ensemble des outils, techniques et procédés utilisés dans un domaine. Mais technologie et domaine sont indissociables en général des usages
.       C'est ainsi que, dans le domaine de l'informatique, la calculette (ou le micro-ordinateur) est, dans sa globalité, une technologie entre les mains de son utilisateur qui trouvera dans son utilisation des possibilités d'action qu'il n'avait pas auparavant.

      Pour son fabricant, les technologies en jeu sont celles des microprocesseurs, des afficheurs, des claviers, etc.

De quelles technologies peut-on parler dans le cas des télécommunications ?

      Pour l'utilisateur de télécommunications, les technologies sont par exemple le poste téléphonique, le fax, le mobile, la commutation manuelle, la communication automatique, le Télétel, la ligne spécialisée, le réseau électronique de santé, Internet, l'ADSL, les SMS, etc. Peu importe pour lui de savoir comment les fonctions sont réalisées.

      Pour l'opérateur de télécommunications, c'est ce qu'il peut se procurer auprès des industriels : des commutateurs, des équipements de transmission, des équipements pour mobiles, etc. Sur ces équipements, il bâtit des offres de services à ses clients.

      Pour les fabricants de télécommunications, et, jusqu'à une époque encore récente, pour les grands opérateurs de télécommunications, ce sont les composants, simples ou complexes, les câbles, les fibres, etc.

      Pour les fabricants de composants, ce seront les nouveaux matériaux, par exemple les monocristaux de germanium ou de silicium, le dopage des semi-conducteurs, les techniques de déposition de couches minces.

      Quel temps faut-il pour qu'une technologie "imprègne les usages" ?

      Trois remarques à ce sujet :

      -il est rare qu'une technologie isolée provoque un saut qualitatif ou quantitatif dans les usages ; il faut en général la conjonction de plusieurs technologies : voir plus bas l'exemple des transmissions optiques.

      -l'évolution rapide et prolongée d'un technologie, sous la pression des besoins et grâce aux progrès techniques, sans conduire à proprement parler à une technologie nouvelle, a des effets analogues sur les usages : les circuits intégrés et microprocesseurs, par leur évolution continue, offre sans cesse de nouvelles possibilités d'application.

      -il faut aussi prendre aussi en compte les freins de tous ordres qui ralentissent ou entravent les applications d'une technologie, indépendamment de sa valeur propre :

      -frein d'ordre économique : une technologie émergente est difficilement compétitive par rapport à une technologie mure donnant lieu à une fabrication importante, à moins

      qu'elle n'offre des perspectives d'usages nouveaux : cela a par exemple été le cas des commutateurs semi-électroniques par rapport aux commutateurs électromécaniques.

       - freins dus à des défauts de qualité : ergonomie insuffisamment rodée, défauts de jeunesse, performances insuffisantes, etc.

       - freins culturels et institutionnels : Thierry Breton cite par exemple, dans son rapport au gouvernement sur les téléservices en France (1994), les freins culturels et institutionnels qui gênent le développement des téléservices dans le domaine de la télémédecine ou du télé-enseignement.

      - les problèmes de normes : les normes spécifiques adoptées en France et dans les quelques pays qui ont développé le Télétel ont favorisé son essor dans ces pays, mais a gêné les interconnexions entre eux ; de même, les messageries électroniques ne se sont pas développées tant qu'elles ne se sont pas appuyées sur des normes mondiales. Inversement, les discussions nécessaires pour l'établissement de normes mondiales peuvent ralentir la mise en œuvre de nouvelles technologies.

Exemple des transmissions numériques.

      Les principes de base de la transmission par impulsions sont connus depuis longtemps (premier brevet en 1903). Les principes de base du multiplexage numérique dans le temps sont évoqués dès 1920. Le premier faisceau hertzien MIC date de 1942. Mais l'essor des transmissions numériques ne s'est produit qu'à partir de 1960, avec les circuits intégrés qui ont permis de rendre valables sur le plan économique les principes connus. Dans cet exemple, on dira que le temps d'imprégnation des systèmes de transmission par la technologie de base a été de près de 60 ans si l'on entend comme technologie de base les principes mêmes de la transmission numérique ; en revanche, ce temps a été très bref si l'on entend comme technologie de base celle des circuits intégrés.

Exemple des transmissions optiques.

      Le laser est connu depuis 1958 ; son application aux télécommunications a été envisagée très rapidement pour remplacer les faisceaux hertziens (en raison de la grande directivité des faisceaux lasers), ainsi que pour les radars. Les perspectives ainsi ouvertes ont justifié le développement rapide des technologies parallèles nécessaires pour la modulation et la détection des signaux lasers. Puis vinrent les désillusions dues notamment à la décohérence du faisceau laser dans l'atmosphère et à sa sensibilité aux phénomènes météorologiques. En 1971 ont émergé simultanément trois technologies majeures : les lasers à semi-conducteurs Ga-AS, les fibres optiques à faibles pertes et les premiers microprocesseurs. L'ensemble de ces trois technologies a provoqué l'effondrement des coûts des voies de transmission alors qu'aucune d'elles isolément n'aurait permis ce résultat. Leur débouché a été dès lors très rapide puisque la première liaison optique en France a été réalisée en 1976.

      Quelles technologies ont permis des bonds significatifs dans les télécommunications ?

      On peut aborder la question par les technologies, souvent communes à plusieurs domaines, ou par les domaines. Ne seront évoquées ici que les technologies directement liées aux systèmes de télécommunications, à l'exclusion des technologies liées aux services offerts.

      Technologies importantes pour les télécommunications :

      - matériaux : la galène, puis l'oxyde de cuivre pour la détection dans les débuts de la radio ; les monocristaux de germanium et surtout de silicium ; les techniques de dopage des semi-conducteurs.

      - composants : la triode (1906), puis le transistor discret (vers 1950), puis le transistor planar pour l'amplification ; à partir des techniques planar, les mémoires en circuits intégrés, les microprocesseurs, et tous leurs dérivés ; le laser Ga-AS.

      - architecture de systèmes : le multiplexage sur lignes analogiques, le multiplexage numérique, les langages de programmation.

      Par domaine de télécommunications :

      - automatisation : le cadran téléphonique à impulsions qui utilisait une variante du ... régulateur de Watt à masselottes, mis au point à la fin du 18ème siècle pour la machine à vapeur ; le premier commutateur Strowger, qui imitait simplement le mouvement du bras de l'opératrice du manuel, mais qui a montré la faisabilité de la commutation automatique.

      - transmission : les expériences de Hertz (1887) ; la triode (1906) et le transistor à jonction (1950) qui ont permis l'amplification sur les câbles ; les circuits intégrés et microprocesseurs pour la transmission numérique ; le laser (voir ci-dessus).

      - commutation temporelle : les mémoires en circuits intégrés (qui ont rapidement détrôné les mémoires à magnétostriction utilisées initialement), les microprocesseurs ; plus récemment architecture basée sur le protocole IP pour les réseaux multiservices de nouvelle génération NGN.

      - mobiles : techniques de compression du signal, composants à faible consommation, sources d'énergie.

Quelles sont les technologies nouvelles d'avenir ?

      Il est toujours périlleux de répondre à ce type de question. Lançons quelques idées :

      - d'abord, l'évolution des circuits intégrés et des microprocesseurs continuera d'ouvrir des applications nouvelles en traitement du signal, en compression des signaux, en reconnaissance des formes visuelles ou vocales

      - mêmes applications potentielles avec l'augmentation considérable des capacités de mémoire des disques.

      - évolution des écrans plats et de leurs systèmes de commande : les applications existent pour des écrans plus grands, plus lumineux, plus économes en énergie, etc.

      - les composants optiques pour des mémoires, des commutateurs, des opérations logiques seront sans nul doute développés et trouveront des domaines d'application. On peut cependant douter qu'il détrônent complètement les composants électroniques équivalents, même à long terme.

      - les semi-conducteurs amorphes pour certaines applications.

      - les nanotechnologies : il est encore difficile de dire si elles pourront être utiles dans les systèmes de télécommunications. On peut noter en tout cas qu'aucun enseignement les concernant n'est prévu pour le moment dans le Groupe des écoles de télécommunications.

      - de même, on peut s'interroger sur les applications éventuelles des bio-puces, par exemple pour des dispositifs d'identification des correspondants.

      En fait, il est probable que, comme pour le laser, les applications réelles ne seront pas celles que l'on peut imaginer actuellement, et que d'autres technologies non citées ici se révéleront plus décisives pour les télécommunications.


Copyright(c) . Created: 24/06/03 Updated: 24/06/03