Politique énergétique et politique industrielle
(Colloque exceptionnel du Club Energie et Développement)
Relevé des points essentiels
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Organisateur : Décision Etudes Conseil
Dates et lieu : 2 décembre 2003 à la Maison de la Chimie (Paris)

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  1. Préambule

    Ce colloque exceptionnel, animé par François-Michel GONNOT, Député de l'Oise, fondateur et Président du Club " Energie et Développement ", visait à associer les parlementaires concernés et l'ensemble des acteurs pour débattre de l'ouverture des marchés de l'énergie, du développement durable et des enjeux industriels qui en découlent.

  2. Rappel des grands défis de l'énergie (J.M. CHEVALIER, professeur à Paris-Dauphine)

    Le débat de 2003 sur la politique énergétique de la France a eu le mérite de soulever un grand nombre de problèmes de nature différente : ouverture de la concurrence pour le gaz et l'électricité, sécurité des approvisionnements énergétiques, avenir de l'énergie nucléaire, promotion des énergies renouvelables, etc.

    Face aux problèmes liés aux changements climatiques et à l'effet de serre, la loi d'orientation va accorder une place prioritaire à la maîtrise de la demande et à l'efficacité énergétique.

    Toutes ces questions sont maintenant débattues dans un contexte européen et l'on voit apparaître trois axes majeurs : la dynamique européenne de l'ouverture, la sécurité des approvisionnements et les nouvelles opportunités industrielles.

    Avec la croissance économique des grands pays émergents comme l'Inde, la Chine et l'Europe de l'Est, on va assister à une explosion de la demande énergétique mondiale : 9,2 milliards de TEP en 2000; 15,3 milliards en 2030.

  3. Libéralisation, croissance durable et compétitivité de la France (1ère table ronde)

    Les niveaux de consommation des pays riches, l'épuisement des ressources en énergies fossiles et la pollution croissante, ne peuvent pas être généralisés dans le reste du monde.

    On ne pourra pas impunément rejeter le nucléaire et consommer toutes les énergies fossiles dont les réserves exploitables, avec les moyens techniques actuels, s'épuiseront dans les trente prochaines années.

    1. Position des opérateurs historiques

      EDF, qui exporte déjà 15% de sa production, devra combiner le principe d'égalité avec le principe de différentiation. Selon François ROUSSELY, le prix de l'électricité va repartir à la hausse car un nouvel entrant devra rentabiliser son investissement. Hors, la structure des coûts va évoluer avec le renouvellement des moyens de production (en France, la consommation augmentera de 20 % en 20 ans et la 1ère génération de réacteurs nucléaires deviendra obsolète en 2018).

      GDF observe que la concurrence encouragera la production d'énergie combinée avec un développement des marchés à court terme. Pour Pierre GADONNEIX, le système d'informations ne sera pas opérationnel en juillet 2004 et ce système d'informations a un coût qui se répercutera sur les prix au même titre que la protection de l'environnement. En outre, la concurrence s'accompagnera de capacités excédentaires génératrices de surcoûts par rapport à une production optimisée dans le cadre d'un monopole.

      Le RTE précise que le coût du transport de l'électricité est maintenant stabilisé, mais qu'il faudra construire d'avantage d'interconnexions pour faciliter les échanges au plan européen, ce qui augmentera le coût du transport. En outre, André MERLIN prévoit un regroupement des opérateurs de grande taille sur le plan international, avec des risques d'entente sur les prix.

    2. Position des opérateurs alternatifs

      Les opérateurs alternatifs se préparent à l'ouverture du marché qui concernera trois millions de clients professionnels en juillet 2004 au lieu de 3000 clients éligibles aujourd'hui :

      • SUEZ souhaite développer la production de l'électricité à partir du gaz naturel pour vendre essentiellement l'électricité de pointe et de semi pointe.

      • BP France veut développer l'industrie du renouvelable et intégrer le solaire aux bâtiments. Le Groupe n'attend pas les lois et les subventions pour agir mais il regrette qu'en France, les incitations fiscales ne soient pas clairement définies.

      • TOTAL est un acteur global, présent dans plus de 100 pays. Sa démarche de fournisseur d'énergie se situe à tous les niveaux et dans le cadre d'un développement durable. La cogénération au gaz naturel fait aussi partie de sa stratégie internationale.

      • La SNET, qui regroupe toutes les centrales électriques au charbon, développera une activité commerciale pour la vente de l'électricité de pointe qu'elle produit.

  4. Enjeux et perspectives pour nos industries (2ème table ronde)

    La politique énergétique a une connexion très forte avec la politique industrielle, car elle suscite des innovations et des nouvelles technologies.

    La France a su développer une forte compétence dans le pétrole, le gaz et le nucléaire, mais elle doit mieux s'investir dans l'éolien, le solaire, les piles à combustible, la cogénération, etc.

    On assiste à la mise en œuvre de l'énergie électrique dans les transports en commun des villes moyennes (tramway, trolleybus), ce qui accroît la consommation électrique et génère une activité industrielle.

    Le Groupe AREVA se positionne très favorablement en Finlande pour la commande d'un premier réacteur de type EPR. Avec ce réacteur, le coût de production du MWh devrait tomber en dessous de 30 euros.

    Le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) regrette que le système de rémunération du renouvelable ne soit pas pérennisé dans l'hexagone car l'industrie éolienne emploie déjà 40 000 personnes en Espagne.

    La France peut tirer un avantage compétitif de sa politique nucléaire car les coûts de revient de l'énergie renouvelable sont plus élevés.

    L'industrie des équipements électriques est un point fort de l'Europe et l'on observe que les équipementiers réalisent 90% de la R&D, notamment en France et en Allemagne.

    On a gaspillé les énergies fossiles et, de ce fait, les pétroliers devront rapidement explorer les filières biomasse, biocarburants… pour faire face à l'épuisement des réserves. Toutes les formes d'énergie seront importantes à condition de les rendre propres.

    Pour l'ADEME, la loi d'orientation énergétique a fixé un objectif ambitieux (+ 6 % d'énergie renouvelable en six ans) mais les moyens ne sont pas à la hauteur de l'objectif.

    Pour le GIGREL, la production décentralisée par le biais de la cogénération est la grande oubliée du débat 2003 sur les énergies.

    Pour le GIMELEC, l'industrie française peut réunir de grandes compétences car la R&D reste efficace dans ce domaine. Près de 100 000 entreprises sont concernées mais il manque un grand projet fédérateur.

  5. Conclusion du Ministère de l'Industrie (M. PICHON, Directeur de Cabinet de Mme Fontaine)

    La politique énergétique doit être mise au service de la compétitivité économique et du développement durable. A cet égard, le bas coût de notre électricité est bien mis au service de l'industrie et de l'emploi.

    Grâce au nucléaire, la France est dans une situation confortable par rapport à ses voisins et les deux opérateurs historiques (EDF et GDF) restent compétitifs.

    Le monde a changé avec la construction européenne et les impératifs environnementaux. La France doit maintenant défendre son modèle de politique énergétique dans un cadre concurrentiel.

    La France doit conserver son indépendance énergétique en construisant le démonstrateur EPR et en développant les économies d'énergie, les énergies renouvelables et le vecteur hydrogène.

    La France maintiendra son effort de R&D dans le secteur pétrolier " Off Shore " car des gisements très importants sont à exploiter dans les grandes profondeurs, mais le débat reste ouvert au Ministère de l'Industrie pour ajouter des thèmes dans le livre blanc.

René REVOL (05/12/03)

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