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Paris, le 24 février 2003
Conférence de Jean Syrota
du mercredi 18 décembre 2002.
Yves Fargette présente notre conférencier :
- Jean Syrota est un ingénieur du corps des mines
- Depuis mars 2000, il est président de la Commission de Régulation de l'Electricité (CRE), et à ce titre, il est vice-président du comité consultatif de l'utilisation de l'électricité
- En 74 il a créé l'Agence pour les économies d'énergie
- En 78 il est nommé Directeur des Affaires Industrielles, Gérard Théry étant Directeur Général et moi-même Directeur de la Production, à ce titre il est nommé directeur général adjoint des Télécommunications.
- En 82, il est devient Directeur Général de l'énergie et des matières premières au Ministère de l'Industrie.
- En 93, il est nommé Vice-Président du conseil général des mines, le Ministre en étant le Président.
- En 88 il devient Président Directeur Général de la Cogema pendant onze ans, jusqu'en 1999.
"Je suis ravi de me retrouver dans cette maison dont j'ai participé à la préhistoire avec certains d'entre vous.
Fargette m'a demandé de parler de la régulation de l'électricité mais aussi du gaz bien que sur le gaz la situation ne soit pas totalement établie puisque le parlement est en train de voter la loi qui doit transposer la directive qui aurait du être transposée depuis août 2000 - mieux vaut tard que jamais - . La commission mixte Sénat/Assemblée Nationale s'est réunie hier au soir ; il reste encore à voter par les deux assemblées les projets de loi qui commencent maintenant à être assez clairemennt arrêtés
Jean Syrota commence alors son intervention.
Ses commentaires sont inscrits en italique
Les lecteurs qui veulent s'intéresser à l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, trrouveront de précieuses informations sur le site de la Commission de la Régulation de l'Energie.
Sur l'ouverture totale de nos frontières (IIC): "Le gouvernement français s'est battu depuis des années et des années pour refuser puis repousser la date d'éligibilité totale et même l'a payé cher puisqu'on l'a payé d'un soutien des allemands à cette position et nous on a défendu la position des allemands qui était de ne pas avoir un régulateur indépendant ce qui signifie que l'Allemagne est restée à peu près fermée aux exportations depuis la France."
Voici la séance des questions (Q)/réponses (R)
- Le Président Yves Fargette,
Q : Si Michelin achète son électricité en Allemagne, les habitants de Clermont Ferrand, pourront-ils en profiter ?
R : Non car la distribution n'est pas éligible à l'ouverture de la concurrence
- Pierre Lestrade
Q : c'est une question très concrète, EDF a donc perdu d'après ce qui a été affiché, 25 à 30 tWh, corrélativement qu'a t-il gagné dans des pays étrangers par des procédures analogues ?
R : c'est difficile à répondre d'abord parce que EDF, traditionnellement, exporte de l'électricité depuis longtemps à travers de gros contrats
qui ne vont pas vers des clients directement qui vont vers des compagnies et puis il n'y a plus beaucoup de place pour exporter davantage, et puis dans le même
temps EDF a procédé à des acquisitions qu'on a beaucoup commentées ces derniers mois, des acquisitions un peu partout en Europe avec des pouvoirs qui ne sont pas forcément très importants dans chacune des acquisitions en dehors de la Grande Bretagne ; EDF a pris comme position, par exemple en Allemagne, où en plus c'est très difficile de pénétrer, de s'appuyer sur l'entreprise NBW, dans laquelle ils ont une participation, pour dire qu'ils sont actifs en Allemagne. Dans ce qu'EDF a perdu il y en a peut-être une partie dans les capacités virtuelles qui ont été vendues d'abord aux enchères peut-être que tout n'est pas entièrement perdu pour EDF, enfin ils ont perdu des clients clairement
Q : je voulais dire quels clients ont-ils reçus en contre partie ?
R : je ne sais pas répondre twh par twh en disant ils ont perdu tant de consommateurs sur des sites industriels en France et combien ils en ont gagné sur des sites industriels à l'étranger, je ne peux pas répondre, ils en ont gagné quelques uns je ne suis pas sûr qu'ils soient arrivés à 25 . Le problème là dedans c'est que EDF a une stratégie d'expansion à l'étranger, bien ou mal gérée, à vous d'apprécier ; pour pouvoir mener cette stratégie d'acquisitions à l'étranger c'est pas possible si
le marché français est fermé ; donc un des prix à payer, au delà du prix de l'acquisition, c'est que le marché français soit ouvert et même qu'il ne soit pas criticable ; d'une certaine façon cela nous a aidé pour ouvrir le marché français c'est un sujet sur lequel on n'est pas tombé sur un EDF dans des niveaux intermédiaires oui c'était pas très agréable ne serait-ce que de changer ces habitudes pour certains mais au niveau de la direction, de la présidence ils savaient qu'il fallait que le marché soit ouvert ; il y a un cas typique l'acquisition de 34 % de NBW ; la Commission a fait une enquête, on a été en particulier interrogé. Dans un premier temps la Commission avait dit : ce n'est pas possible ; dans sa notification de griefs, la conclusion était négative ; le marché français n'est pas assez ouvert ; après enquête ils ont considéré que le marché français était assez ouvert ; ils ont permis qu'EDF prenne sa participation dans NBW ; il y a cet ensemble qui est la stratégie d'EDF passe par l'ouverture du marché français et nous sommes garant de l'ouverture du marché français ; on en fait parfois plus que ce qu'EDF veut faire ; par exemple, la mise aux enchères des achats d'électricité par RTE, je peux vous dire cela avait sérieusement grincé chez EDF. Il y a un régulateur, il est indépendant mais disons globalement que l'objectif global est un peu le même ; la perte de clients en France, elle est inéluctable dans le cadre de cette stratégie.
- Jean Guy
Q : Je voudrais me placer au niveau européen, il y a des directives, des orientations et même des objectifs qui sont communs et tout est dans la mise en uvre après ; est-ce qu'il y a des contacts entre les autorités de régulations des différents pays est-ce que ce club éventuel converge ou est-ce qu'il diverge et que d'autre part est-ce qu'à terme on ne veut pas aller vers une régulation au niveau plutôt européen qu'au niveau national
R : La dessus la problèmatique c'est exactement la même à ma connaissance que celle qu'il y a pour les télécommunications, pour les COB européennes ; il y a dans chaque cas un club de régulateurs là où il y a des régulateurs ; il n'y a pas de régulateur allemand donc il n'y sont pas dedans ; il y a un club pour l'énergie qui s'appelle le CEER ; on échange des vues ; il a été très utile puisqu'il y a toujours des nouveaux qui arrivent et il y en a une dizaine qui va arriver dans pas longtemps pour échanger des informations sur les bonnes pratiques, qu'est-ce qui marche qu'est-ce qui ne marche pas dans chaque pays ; mais par contre comme lobbyste il n'a pas été extrêmement puissant ; je vous ai parlé des directives européennes nouvelles, en même temps que les direectives, il y a aussi un règlement que d'ailleurs on ne trouve pas forcément utile mais enfin qui permet à la Commission de pouvoir prendre davantage de pouvoir dans ces dispositifs ; le règlement, dans le cadre de ce qu'on appelle la comitologie à Bruxelles, prévoyait deux comités et puis après des tas de discussions comme il apparaissait que ces deux comités comportaient des représentants désignés par les états membres il risquait de n'y avoir aucun comité dans lequel il n'y aurait que des régulateurs, donc aux dernières nouvelles et à l'initiative du parlement européen il y a un des comités qui sera un comité de règlementation, qui comportera des représentants des états membres, des fonctionnaires des administrations et puis on créera un comité consultatif à l'extérieur un comité consultatif de régulateurs à l'initiative de la commission comme dans le cadre des télécommunications et des opérations de bourse ; alors l'un des points un peu particulier là dedans c'est que les régulateurs nationaux, ils doivent être indépendants c'est ce qui a été fixé dans la directive, dans les lois et tout ce qu'on voudra et la Commission, elle se verrait bien être le régulateur européen tout en étant l'exécutif. Est-ce qu'il y a besoin d'un régulateur européen unique : non, les régulaturs nationaux ils ont leur rôle à jouer, ils ont aussi des actions à mener avec leurs collègues de l'autre côté des frontières pour gérer les interconnexions, il a quand même des problêmes qui doivent se traiter au niveau européen il y en a un qui fait l'objet de débats depuis fort longtemps avec des solutions provisoires qui sont reportées ou modifiées chaque année la rémunération des transits purs : exporter de l'électricité de la France vers les Pays-Bas, il y a de l'électricité qui va passer à travers la Belgique, à travers l'Allemagne, à travers la Suisse puis l'Allemagne, c'est fonction de l'état du réseau des impédances du moment et donc il y a des réseaux qui vont être traversés, certains en étant prévenus d'autres pas prévenus, on utilise des réseaux pour lesquels il y a eu des investissements donc il faut rémunérer cela ; il y a des tas de formules plus ou moins compliquées sur lesquelles il esst toujours difficile de se mettre d'accord et sur lesquelles on discute pour rémunérer précisément le transit pur ; cela fait prendre conscience qu'il faut que l'information circule entre les différents opérateurs des réseaux. Il y a eu un cas un 14 juillet, voilà deux ou trois ans, la France avait vendu de l'électricité en grande quantité à l'Allemagne qui l'avait revendue aux Pays Bas sans en avoir averti la Belgique qui a vu, ce jour une ligne qui a disjonctée, les autres étant sur le point de continuer. On ne sait pas par où passe l'électricité Marcel Roulet,
Q : Il y a une question que tu as évoquée sur les politiques d'énergie nationales et les coûts de service public. On voit bien que selon les décisions prises, par exemple, pour les énergies renouvelables, des politiques nationales très différentes peuvent être conduites, conduisant à des coûts des services publics extraordinairement différents et qui vont compliquer l'ouverture du marché. Est-il envisagé ou est-il envisageable qu'il y ait une certaine harmonisation européenne de la notion de service public et peut-être même qu'il y ait une politique d'énergie.
R : dire que le service public empèche l'ouverture des marchés : non ; c'est simplement une charge supplémentaire sur le prix à l'intérieur du pays ; tout le monde le paie, que ce soit de l'électricité importée ou pas importée ; on perd en apparence l'intérêt de l'ouverture à la concurrence des marchés qui doit faire baisser le prix. Oui sur ce service public, il y a une certaine tendance à vouloir faire en sorte qu'à l'étranger on en supporte aussi ; la France a joué un grand rôle là dedans mais pas au point d'obtenir, à ma connaissance, qu'on discute d'ores et déjà d'une directive sur les services publics en Europe ; et puis il y a des charges que l'on retrouve un peu partout, la mode des éoliennes, on la trouve un peu partout, par contre la péréquation tarifaire avec Mayotte, c'est une spécificité française
Maurice Bernard :
Si on prend un utilisateur industriel comme Michelin à Clermont-Ferrand, de quelle baisse de tarif, de quelle économie a t-il réellement bénéficié ?
R : mais d'abord la baisse de prix, il a pu l'obtenir, je ne sais pas exactement s'il a changé de fournisseur ou pas, il a pu l'obtenir en gardant le même fournisseur ; il a fait jouer la concurrence et après, il a dit à EDF, écoutez, je vous aime bien, si vous vous alignez, .... Il y a eu beaucoup de ça comme cela et l'on considère que l'ouverture des marchés, cela fait diminuer les prix de l'électricité pour les gros consommateurs de l'ordre de 15 %, mais je n'en ai pas la preuve formelle ; cela semble être un consensus dans le secteur ; il n'y a pas d'indications précises. Il y a des indicateurs, mais qu'est-ce qu'ils valent ; il y a des braves gens qui récoltent ce que leur racontent les consommateurs, les consommateurs ils se figurent toujours qu'ils ont le prix le meilleur et donc ils n'aiment pas raconter exactement le prix qu'ils ont eu ; c'est quelque chose d'approximatif.
- Jean-François Arrivet :
Q : Il y a un certain nombre de pays qui renoncent au nucléaire - qui disent qu'ils le font - est-ce que cela ne va pas, s'ils le concrétisent,
R : d'abord la fin du nucléaire : le pays qui est le plus en avant c'est la Suède ; ils ont décidé, cela depuis plus de 10 ans. Qu'est-ce qu'on constate : ils ont fermé, il n'y a pas très longtemps, une tranche et maintenant, après avoir dit qu'ils en fermeraient une deuxième, ils disent qu'ils ne peuvent pas fermer la deuxiéme parce qu'il y a des risques sur l'approvisionnement et puis, parce qu'ils n'ont pas trouvé de sources de production alternatives compétitives et puis encore parce qu'ils ont pris des engagements sur les émissions de gaz carbonique et là aussi ils n'ont pas trouvé là non plus un remplaçant qui permette de maintenir leurs engagements. L'arrêt du nucléaire, ce n'est pas quelque chose, ...c'est plus facile à dire qu'à faire ; le cas de l'Allemagne est également typique jusqu'à l'accord qu'ils ont signé, mettant fin au nucléaire, mais après que toutes les centrales aient été exploitées jusqu'à la fin prévisible normale des équipements ; ils ont obtenu aussi d'avoir, avec la signature de l'accord, d'avoir la paix au lieu d'être harcelés en permanence par des antinucléaires qui leur bloquaient les transports autour des centrales, qui réclamaient, en permanence, des contraintes de plus en plus fortes, ils ont obtenu la paix ; je m'engage à fermer dans 25 ans, en moyenne, mes centrales mais d'ici là, vous me fichez la paix. Pour le chef d'entreprise d'aujourd'hui qui sera mort dans 25 ans, c'est tranquille ; d'ici là, il y aura bien d'autres gouvernements, ils auront bien d'autres occasions de changer d'avis. Donc c'est théorique. Pour l'instant, il y a une tranche, en Europe, de tous ceux qui ont décidé de fermer du nucléaire, qui a été arrêtée, de 500 MW à peu près, en Suède.
Ensuite, remplacement des centrales nucléaires, on peut remplacer les centrales nucléaires par n'importe quoi : pas par des éoliennes, sauf à vouloir ne consommer de l'électricité que lorsqu'il y a du vent, il faut trouver des sources garanties, mais rien n'empèche de recommencer avec des centrales à gaz, à charbon, à fuel, etc ..
Cela ne changera rien à la concurrence ; si on ferme par anticipation des centrales nucléaires, évidemment cela fera augmenter les prix, puisqu'à la place il y aura des centrales dont il faudra payer aussi l'amortissement.
Yves Fargette : on aurait encore beaucoup de choses à demander à Jean Syrota. Je tiens à le remercier, en votre nom à tous, de ce qu'il a bien voulu venir devant nous et nous dire plein de choses. Merci beaucoup.
Des applaudissements chaleureux ont montré que ce sujet ardu avait été apprécié par les membres du Colidre.
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